Laure Mardoc : au service du public
Diplômée de Sciences Po en sociologie et cheffe de cuisine, Laure Mardoc comptait donner une partition végétale aux pianos des restaurants. Aujourd’hui, elle est surtout à l’écoute des cuisiniers des cantines, pour restaurer professionnels et convives avec des menus végés qui gagnent à être goûtés.
Au départ, vous souhaitiez que Cap Veggie délivre l’équivalent végé du CAP de cuisine classique. Pourquoi vous être finalement orientée vers la restauration collective ?
Tout simplement parce que, quand la loi EGAlim a été promulguée, les besoins de la restauration collective étaient énormes. Les plans de formation dans les cantines n’ont pas été à la hauteur, ni pour les cuisinier·es ni pour les diététicien-nes : la plupart d’entre eux n’étaient pas préparés à cette nouvelle manière de concevoir et de préparer les repas, et l’ont vécu comme une révolution qu’on leur fait subir. Il a aussi été très nocif de faire des polémiques autour des menus végés alors que la loi venait d’être votée !
Quels sont les principaux freins rencontrés par les professionnel·les de la restauration collective ?
Les situations sont variées, mais dans la plupart des cas, il faut d’abord clarifier le sens de ces menus, et rendre les professionnels fiers de préparer des repas végés savoureux et de qualité – parce que c’est ça leur métier, faire plaisir. Nous expliquons les bénéfices pour la santé, pour l’écologie, nous soulignons que la culture culinaire populaire se joue dans les cantines. Ils ont besoin de comprendre que ce n’est pas une cuisine contre la viande, mais que la marge financière ainsi dégagée va permettre des repas de meilleure qualité pour tou·tes, en cohérence avec des principes qui leur tiennent à cœur, comme la priorité aux productions locales, la saisonnalité ou le bio.
Une fois la dynamique installée, on peut travailler sur cette culture héritée qui met la viande ou le poisson en pièce maîtresse du repas : imaginer, par exemple, une sauce normande non pas avec de la sole mais avec des pois chiches. Les cuisines du monde permettent beaucoup de découvertes, et facilitent les animations autour du repas : c’est stimulant pour les cuisinier·es comme pour les convives.
Si vous pouviez émettre des souhaits auprès des acteurs politiques pour la restauration collective, que demanderiez-vous ?
D’abord, de publier un décret qui explique ce qu’est la « restauration collective d’État » : depuis le 1er janvier 2023, ce secteur est soumis à l’obligation de proposer une option végétarienne quotidienne. Mais tout le monde ne sait pas s’il est concerné ou pas. Ensuite d’actualiser le décret de 2011 qui fixe les obligations nutritionnelles, car les diététicien-nes n’ont pas d’outil adapté au menu végétarien. On pourrait aussi imaginer un guide « Qu’est-ce qu’une option végétarienne quotidienne ? » sur le modèle de ce qui existe pour les repas carnés : on a besoin de clarifier ce qu’est un menu végétarien de qualité, et de faire vraiment la promotion des protéines végétales brutes. Et surtout, assurer la formation des professionnel·les pour permettre la montée en compétence des équipes.
capveggie.com