Le « petit élevage », cet arbre qui cache la forêt de l’intensif
En pleine concertation sur la future Loi d’Orientation Agricole, la presse relaie plusieurs tribunes, issues des syndicats de la profession, qui soutiennent un modèle de production fondé sur le “petit élevage”. Ce modèle serait le seul souhaitable, et même le seul viable, et s’opposerait de façon structurelle et intrinsèque à l’élevage industriel.
Ce parti-pris pour la polyculture élevage et les fermes paysannes contient effectivement des pistes pour un avenir agricole plus soutenable, comme la proposition, que nous appuyons, d’instaurer un moratoire sur les fermes-usines.
Toutefois, nous considérons que sans un message clair sur la nécessaire réduction massive des productions et consommations animales, la promotion du petit élevage risque de demeurer un message creux, qui masque la réalité des choses et fait obstacle à un véritable changement.
En France, 80% des animaux d’élevage sont détenus dans des exploitations intensives. Ce chiffre s’élève même à 95% pour les cochons, et à 99% pour les lapins. Le système intensif n’est donc pas une exception : c’est la règle.
Tout le monde consomme de la viande issue de ce type d’élevage. Et pourtant, personne n’a l’impression de participer à ce système. Chaque français·e consomme en moyenne 85 kg de viande (équivalent carcasse) par an. Avec un tel niveau de consommation, il est mathématiquement impossible de satisfaire la demande avec de l’élevage extensif.
« Moins mais mieux » : est-ce vraiment la réalité de la tendance en France ?
Dans cette perspective de défendre le petit élevage, la première action à mener est donc d’inciter les consommateurs à diminuer drastiquement leurs achats de viande et de produits animaux. Et la responsabilité des pouvoirs publics est de mener des politiques ambitieuses pour infléchir réellement le comportement alimentaire de l’ensemble de la société. Or, la trajectoire actuelle fait l’impasse sur cette indispensable réduction de la consommation, qui n’est, pour l’instant, soutenue que du bout des lèvres par une minorité d’acteurs publics. Le discours du “moins mais mieux” est désormais communément admis, et depuis quelques années, tout le monde est persuadé de “manger beaucoup moins de viande qu’avant.” Pourtant, les chiffres montrent l’inverse.
Fin février, l’institut de recherches I4CE a publié un rapport qui établissait que la consommation de viande per capita en France n’avait pas baissé depuis une dizaine d’années, et avait même légèrement augmenté sur cette période, se reportant simplement sur des habitudes de consommation différentes : moins de viande rouge, plus de volaille et de viandes transformées. Or, les consommateurs n’ont pas la sensation de manger “de la viande” lorsqu’ils consomment du poulet ou du cordon bleu, et sont sincèrement convaincus de manger “beaucoup moins de viande qu’avant”.
En l’état actuel des choses, la mise en avant du petit élevage nous semble donc servir de caution à la consommation de viande dans son ensemble.
Réduire le cheptel pour un modèle agricole plus soutenable
Selon le scénario Afterres, développé par l’association Solagro, une division par 2 des productions animales d’ici 2050 est compatible avec la création de 125 000 emplois (ETP) et l’augmentation du revenu agricole net. Ce rapport démontre que, loin d’être en opposition, les préoccupations éthiques, écologiques et sociales peuvent converger.
La question cruciale à laquelle nous devons répondre à l’heure actuelle n’est pas “Pour ou contre l’élevage?” L’élevage existe, et il ne disparaîtra pas du jour au lendemain.
La question que nous devons nous poser est : comment atteindre l’objectif de disparition de l’élevage intensif, dont les produits se trouvent pourtant dans l’assiette de tou·tes les Français·es?
Cela passera nécessairement par une réorientation de la politique agricole française, plus précisément sa végétalisation, et par la réduction du cheptel français.
Sans diminution de la consommation de viande, pas de diminution des productions animales industrielles
Le secteur agricole est responsable d’une part significative des émissions de gaz à effet de serre en France. Notre modèle alimentaire, qui repose massivement sur les productions animales, nécessite chaque année l’importation de 2,8 millions de tonnes de soja, en grande partie issu de la déforestation. Des productions concentrationnaires qui favorisent des crises sanitaires majeures comme les grippes aviaires. Dans ce contexte, tout mettre en œuvre pour diminuer à la fois notre consommation et notre production de viande est à la fois un devoir individuel et une responsabilité collective.
Quand consommation et production auront pour de bon trouvé des proportions soutenables, il sera toujours temps de reprendre le débat public sur la nécessité de l’élevage.
En attendant ce jour lointain, nous appelons toutes les organisations et toutes les personnes qui dénoncent l’élevage intensif et défendent “le petit élevage”, à s’associer à notre appel visant à réduire le cheptel français et notre dépendance aux produits animaux, afin que les voeux pieux de transition vers des pratiques agricoles plus vertueuses deviennent enfin réalité.
Réformer notre modèle agroalimentaire vers le végétal est un enjeu de société majeur, en particulier dans un contexte d’urgence climatique. Il est vital que les médias s’emparent du sujet et nous nous tenons à leur entière disposition pour une interview ou complément d’information.
Contacts presse
- Astrid Prévost, chargée de mission Végépolitique, contact@vegetarisme.fr
- Élodie Vieille Blanchard, présidente de l’AVF, presidente@vegetarisme.fr