En France, la petite graine qui monte

Un article paru dans ViraGe n°11 – automne 2021

Un texte d’Anna Labarre, membre de la commission Écologie de l’AVF

Après-guerre, dans le cadre de négociations agricoles et économiques, le soja américain arrive massivement en France, à un prix très bas, et l’ensemble de l’élevage français se développe en utilisant les tourteaux de soja importés. Dans un souci d’indépendance protéique, la France tente aujourd’hui de développer sa production, aussi bien pour l’alimentation humaine que pour l’élevage.

C’est sa haute teneur en protéines qui a fait du soja l’aliment incontournable de l’élevage. Cette Fabacée, comme toutes les légumineuses, grandit en symbiose avec des bactéries. Ces bactéries captent le diazote présent dans l’air puis le transforment en acides aminés pour qu’il soit disponible et assimilable par la plante. Cette symbiose fait du soja la plante la plus riche en protéines. Cela rend également inutile l’usage d’engrais azotés, et diminue les besoins en fertilisation pour les cultures suivantes. Et ce n’est pas son seul atout ! Le soja peut être cultivé à sec ou irrigué, selon les régions. Il est peu sensible aux maladies et aux ravageurs, ce qui conduit à une utilisation moindre de produits phytosanitaires. De plus, sa culture adaptée au désherbage mécanique se prête bien à l’agriculture biologique.

L’essor du soja bio et français

Il existe de nombreuses variétés de soja, qui diffèrent par la taille, la couleur, ou encore la teneur en protéines et en lipides. Celle à graines jaunes est la plus répandue. Timidement implantée à partir des années 1970 dans le Sud-Ouest et l’Est de la France, qui fournissent encore 80 % de la production1, sa zone de culture est de plus en plus étendue sur le territoire français. Des tests effectués avec différentes variétés, densités, dates de semis et associations, ont lieu en Bretagne2, par exemple.

La France est le deuxième producteur de soja de l’UE, derrière l’Italie. Les surfaces qui lui sont consacrées ont doublé en moins de cinq ans. Mais l’autonomie est encore loin : la France a importé plus de 600 000 tonnes de soja en 2019.La culture de soja bio, en particulier, a bondi entre 2018 et 2019. Les données du rapport de statistiques des oléagineux et plantes riches en protéines, publié par Terres Univia en 2019, montre un doublement des surfaces en conversion entre 2018 et 2019. Elle représente aujourd’hui un cinquième de la production nationale. Les qualités agronomiques du soja s’y prêtent, mais aussi les débouchés : les trois quarts du soja bio sont destinés à l’alimentation humaine, le quart restant alimente les animaux d’élevage. C’est exactement la proportion inverse du soja conventionnel.

Rappelons que la culture de soja OGM est interdite en France. Mais son importation, elle, est autorisée…

Tourteau ou huile ?

Le soja est un oléo-protéagineux car sa graine, très riche en protéines, contient également 18 % de matières grasses. L’huile provenant du dégraissage des graines transformées en tourteaux est en grande majorité destinée à l’alimentation humaine. On pourrait en déduire que le soja sert à nourrir la population humaine via l’huile de soja, plutôt que le bétail via les tourteaux. Alors, le soja est-il produit pour son huile ou pour ses tourteaux ?

Un article3 de Veg’analytic, qui analyse les données et études liées au véganisme, a calculé et comparé les revenus tirés du soja. Voici sa conclusion : « Contrairement à ce qu’on peut lire/entendre, c’est bien le tourteau donné aux animaux qui rapporte la majorité des revenus du soja (70%) l’huile rapporte finalement peu de sous en comparaison (30%). » Le soja contient de l’huile, certes, mais c’est avant tout une plante riche en protéines. Le tournesol ou le colza, par exemple, produisent plus d’huile à l’hectare, et le prix de ces huiles est plus intéressant pour le producteur. Le soja est bien cultivé pour l’alimentation animale via les tourteaux, et l’huile de soja qui en est extraite est le coproduit le moins rentable. Et pas l’inverse ! Si l’huile de soja est la deuxième huile la plus utilisée au monde, il semblerait bien que ce soit parce que la demande en tourteau d’élevage lié à l’augmentation de la demande en viande mondiale force la production d’huile, qui est pressée à bas coût.

 

Le développement de la production de soja en France
Année4 1993 2003 2013 2015 2016 2017 2018 2019
Surface (en milliers d’ha) 55 81 43 123 137 142 154 164
Dont bio (certifié ou en conversion) 8,8 (9%) 10,4 (24%) 20,1 (16%) 24,6 (18%) 24,9 (18%) 28,4 (18%) 40,4 (25%)
Production (en milliers de tonnes) 130 149 110 337 339 415 398 429

 

Pour aller plus loin

L’association pour la promotion des aliments au soja créée en 1989 : sojaxa.com. Membres : Soy, St Hubert, Sojasun, Alpro et LSDH

La position française sur les OGM : ecologie.gouv.fr/organismes-genetiquement-modifies-ogm-0

Terres Univia : interprofession des huiles et protéines végétales, terresunivia.fr

La fédération française des producteurs d’oléagineux et protéagineux : fopoleopro.com/la-filiere-soja-en-france

Notes

  1. www.sojaxa.com/soja-francais-un-modele-de-culture-durable-pour-repondre-aux-enjeux-ecologiques-lies-a-lalimentation/
  2. bit.ly/3DItlGC
  3. twitter.com/veganalytic/status/1320737940113367041
  4. Source : Terres Univia, bit.ly/2Ywl7mo
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