Espèce(s) d’ordures
Nous gaspillons chaque année dans le monde 1,5 milliard de tonnes de nourriture soit un tiers de ce que la terre produit. Ce scandale a des répercussions colossales d’un point de vue social, économique, sanitaire mais également écologique : si le gaspillage alimentaire était un pays, il se classerait au troisième rang mondial des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre, derrière la Chine et les États-Unis.
Mais, au-delà de ces réalités factuelles, il en est une que passent sous silence tous les rapports et études, truffés de chiffres, qui contribuent à la froideur statistique du constat : le nombre de vies animales que représente le gaspillage de viande, de poissons, et plus généralement de produits d’origine animale.
En considérant les moyennes mondiales du gaspillage alimentaire, le nombre de créatures vivantes nées uniquement pour finir leur vie de misère dans une poubelle est incommensurable. Des êtres arrachés à leur milieu naturel ou élevés en intensif, sans avoir eu d’autre destin que celui de déchet.
Ces chiffres ne sont pas simplement vertigineux, ils incarnent la faillite morale d’une humanité prête à sacrifier des quantités astronomiques de vies sensibles pour un plaisir gustatif facultatif, nutritionnellement dispensable et écologiquement dévastateur.
Le gaspillage alimentaire apparaît aujourd’hui consubstantiel de la consommation de nourriture dans une société mondialisée. L’indécence de cette situation, que rien n’infléchit depuis des décennies d’alertes, devrait être un motif supplémentaire pour les carnistes de reconsidérer radicalement leurs pulsions : si l’élevage et la pêche sont déjà moralement indéfendables dans des pays qui peuvent s’en passer, cette propension incompressible à massacrer des êtres sensibles par centaines de milliards chaque année sans aucune forme d’utilité représente l’indignité ultime de notre espèce prétendument civilisée.