Francois-Xavier Filias, le végé qui n’a pas froid aux yeux
François-Xavier Filias s’est démarqué en devenant quintuple champion du monde, sur 50 m brasse et 100 m brasse en eaux glacées, puis sur 50 m, 100 m et 200 m brasse en eaux froides, dans deux fédérations différentes. Sacré coup sur coup en Haute-Savoie en janvier 2023, puis en Slovénie en février 2023, à 43 ans, cet athlète en milieu extrême ne se prive pas de faire savoir ce que son végétalisme lui apporte.
En tant que sportif végétalien de haut niveau, as-tu rencontré des difficultés particulières pour couvrir certains besoins nutritionnels ? Es-tu suivi par un·e diététicien·ne ?
Malgré des périodes de fatigue liées au travail ou aux entraînements, je me suis beaucoup documenté pour m’assurer qu’il ne me manquait rien sur le plan nutritionnel. J’ai fait plusieurs prises de sang. Le médecin qui me suivait était inquiète en raison de mon végétalisme, mais elle a été rassurée en voyant que toutes mes analyses étaient très bonnes. Je n’ai jamais été suivi par un·e diététicien·ne, j’ai mis au point mon alimentation en autodidacte. Cependant, la santé des nageurs en eau froide fait l’objet de beaucoup d’attention. Avant chaque compétition, deux visites médicales sont obligatoires, avec un cardiologue et un médecin du sport qui délivrent un certificat médical d’aptitude. Sur place lors des compétitions, un médecin contrôle les nageurs et peut interdire le départ ou interrompre la compétition à tout moment, par exemple en cas de tension trop élevée. Pour information, une personne non entraînée ne peut rester dans une eau à 1 degré plus d’une minute, pour des raisons de sécurité, tandis que je peux m’entraîner jusqu’à 30 minutes, voire 40 minutes, à cette température.
L’alimentation est essentielle pour ce sport extrême : comment pourrais-tu la décrire et quels liens fais-tu avec tes performances ?
Mon passage à une alimentation végétale m’a permis de me sentir plus léger de manière générale, surtout au niveau de la digestion, en retirant les produits laitiers notamment. Je remarque aussi que ma récupération est bien meilleure qu’avant. Je reviens vite à un état de forme normal, même après un repas végétal copieux et une certaine fatigue. Je consomme beaucoup d’amandes, de noix, d’huile d’olive, ou d’huile de pépin de raisin dans les gâteaux, car les graisses brunes sont très importantes pour résister au froid.
Peux-tu nous donner une idée de ce que tu consommes pour préparer une compétition ?
En entrée, je mange souvent des fruits et des crudités. J’adore les pâtes au petit épeautre avec de la levure de bière, accompagnées d’une poêlée de tofu ou de seitan par exemple, toujours avec de l’huile d’olive. En dessert, je prends des yaourts végétaux la plupart du temps. Avant une compétition, je respecte mes trois heures de digestion, et j’adore manger du pain complet ou au petit épeautre avec du tahin, et beaucoup de fruits secs. Mon petit plaisir est le Yannoh, un substitut de café à base de céréales. Je me supplémente bien sûr en vitamine B12.
As-tu l’occasion d’échanger sur ton végétalisme avec d’autres concurrents ? Que leur dis-tu, et que te disent-ils ?
Tout d’abord, il faut savoir que c’est un sport interdit aux moins de 18 ans en France, et pratiqué aussi par des nageurs de plus de 70 ans. Mais les meilleurs compétiteurs sont les plus jeunes, ceux qui ont moins de 35 ans, voire moins de 30 ans. Je suis donc vu comme un cas particulier. Les autres sont toujours très surpris d’apprendre que je suis végétalien. La nage en eau glacée se pratique beaucoup dans les pays nordiques, où l’on pense que la meilleure façon de lutter contre le froid est la consommation de graisses animales. C’est une culture ouverte mais pas forcément favorable à ce type d’alimentation pour la nage en eau glacée. Ce n’est pas encore quelque chose de compris ou accepté, tout le monde me disait « si tu ne manges pas de protéines animales, tu ne vas pas t’en sortir… » Au final je m’en suis bien sorti.
Pourquoi c’est important pour toi de faire partie de l’équipe Vegan Warrior ? Qu’est-ce que ça t’apporte ?
C’est une équipe de sportifs qui apportent beaucoup de bienveillance. Ils donnent envie de végétaliser son alimentation en montrant qu’on peut faire les mêmes choses en étant végane, voire faire mieux. J’aime l’état d’esprit et l’ouverture de cette association. Des gens sont venus me voir en me comparant au film The Game Changers et en me disant qu’ils voyaient que c’était possible.
Est-ce que les médias, en interview, s’intéressent à ton alimentation végétale ?
J’en parle à chaque fois, j’ai souvent affaire à des journalistes très intéressés qui me posent pas mal de questions à ce sujet… et j’ai été déçu en voyant, parfois même quand je faisais la une de journaux très populaires, que, par souci de concision, toute la partie sur l’alimentation avait disparu. Mes camarades Vegan Warrior ne peuvent pas porter ce qu’ils veulent tout le temps, en raison de leurs contrats avec les sponsors. De mon côté, j’ai la possibilité de porter le T-shirt Vegan Warrior sur les podiums, mais ces photos sont malheureusement souvent écartées par les médias. Par ailleurs, je serais ravi de trouver une marque végane pour me sponsoriser afin de continuer à mettre en avant le véganisme.
Que souhaiterais-tu dire aux personnes sportives qui souhaitent végétaliser leur alimentation ?
Il faut y aller à son rythme sans culpabiliser, sans s’arrêter en cours de route et garder le plaisir en mangeant. La junk food, d’ailleurs, n’est pas à diaboliser, cela m’arrive de temps en temps de manger des chips ou des frites. Quand cela devient pesant, on associe l’alimentation végétale à quelque chose de contraignant. Le maître-mot c’est se faire plaisir !
Propos recueillis par Victor Chau, de la commission Nutrition-Santé de l’AVF