Interview : Arthur Devillers, fondateur de Furahaa
Furahaa a bien grandi, d’une petite confiserie végane en 2015 à une chaîne de fast-food et service traiteur 100 % végétal, en plein développement aujourd’hui. Une autre spécificité : l’entreprise emploie principalement des sourds ou des malentendants.
Arthur, comment a démarré l’aventure Furahaa ?
J’ai eu un déclic en voyageant en Afrique, constatant que beaucoup de sourds travaillaient dans la rue en vendant de la nourriture. En France, 34 % des sourds ne trouvent pas d’emploi, donc c’était important pour moi de créer des opportunités pour ma communauté. J’ai décidé de créer mon entreprise, avec un concept facilement reproductible et qui permettrait aux sourds de se former et de travailler rapidement.
J’ai ouvert le premier Furahaa – une confiserie végane – en 2015 près des jardins du Luxembourg. Puis un salon de thé à Maisons-Alfort, puis un restaurant classique (Furahaa Break), et j’ai enfin trouvé ce qui me plaisait le plus et qui fonctionnait vraiment : une chaîne de fast-food végane.
Comment se développe l’entreprise aujourd’hui ?
Nous avons désormais deux restaurants fixes dans les IIe et IVe arrondissements de Paris, un pop-up tous les dimanches dans le XIXe, et un kiosque dans la gare de Strasbourg. Furahaa a embauché plus de dix personnes dans ces restaurants et six dans ses bureaux. Notre objectif est de développer un réseau de mini-restaurants en kiosques, qui s’appuiera sur une franchise. Le but : proposer des alternatives végétales abordables aux grandes chaînes de fast-food partout où elles sont présentes. Nous voulons aussi créer de l’emploi pour la communauté sourde, et lui donner des possibilités de se former, d’entreprendre et de réussir.
On cherche actuellement à installer des restaurants Furahaa dans d’autres villes de France. Nous avons eu la chance de recevoir un investissement du Prince saoudien Khaled Alwaleed Bin Talal Al Saud, qui est très engagé dans les start-up à impact, donc cela nous a beaucoup aidés à envisager notre développement.
L’un des piliers de l’entreprise depuis l’origine est l’emploi solidaire, en lien avec les sourds et malentendants. Comment travaillez-vous ?
Tous les salariés des restaurants sont sourds ou malentendants et au siège, le responsable des restaurants et le chargé des ressources humaines également. Les autres sont entendants (responsable logistique, des achats, du développement commercial et de la communication de l’entreprise) mais signants ou en cours d’apprentissage, afin de faciliter la communication entre nous.
L’autre pilier de l’entreprise est le 100 % végétal. Pourquoi ce choix ? Votre clientèle est-elle majoritairement végane ?
J’ai souhaité, à travers de concept de restauration végane, proposer des plats plus éthiques, écologiques, et accessibles au plus grand nombre. Il n’est pas chose facile en France (où le végétal est encore victime de préjugés sur sa qualité) de convaincre les gens d’essayer. Je pense que notre engagement pour l’emploi des sourds nous a aidés là-dessus, car les gens ont envie de soutenir l’initiative, et une fois qu’ils ont goûté, ils sont convaincus ! Aujourd’hui, une majorité de notre clientèle n’est pas du tout végane et apprécie juste notre cuisine et notre engagement. Grâce à nos prix attractifs, on reçoit beaucoup de jeunes (qui sont souvent plus conscients que leurs aînés des enjeux liés au réchauffement climatique et à la cause animale).
Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté le(s) magasin(s) ?
Nous avons la chance d’avoir dès le début un concept basé sur la livraison et la vente à emporter, ce qui a limité les dégâts. Mais la crise sanitaire nous a tout de même pénalisés en termes de chiffre d’affaires, et nous avons dû fermer du mois de mars au mois de juin 2020, soit trois mois de fermeture à peine deux mois après notre ouverture ! Il a fallu reprendre la communication depuis le début en rouvrant.
Nous avons heureusement vite rebondi avec le système de livraison, et en misant sur des actions fortes de communication (concours, appui d’influenceurs…). Dès que les mesures gouvernementales se sont assouplies, nous avons vu une augmentation de notre chiffre d’affaires de plus de 80 %. C’est énorme, et nous en sommes très heureux et reconnaissants.
Y a-t-il d’autres projets de développement pour Furahaa pour l’année à venir ?
Le but principal est bien sûr d’ouvrir quelques autres restaurants en nom propre, dans les plus grandes villes de France, afin de représenter nationalement notre concept, et ainsi être solide pour développer notre franchise en 2022. Nous voudrions nous présenter comme une chaîne de restaurants emblématique et incontournable. Pour cela nous espérons avoir des adresses dans les gares, les aéroports, et pourquoi pas sur les aires d’autoroutes…
Une anecdote à raconter, un message à faire passer ?
Il y a peu, un tweet sur nous a eu un énorme écho sur Twitter : plus de 2 millions de vues. On ne pouvait évidemment pas l’anticiper et on a fait face les jours suivants à une quantité incroyable de commandes, surtout des jeunes qui avaient vu le tweet et eu envie d’encourager notre initiative. Ça nous a vraiment montré qu’avec le soutien de notre communauté on pouvait aller très très loin !