La vie d’une vache laitière… n’est pas un long fleuve tranquille
Le mythe de la vache qui broute tranquillement au milieu d’un champ de pâquerettes a du plomb dans l’aile. Il est temps de poser la question qui fâche : peut-on produire du lait sans tuer de vaches ? Le sujet a son importance quand on sait que de nombreuses personnes se tournent vers le végétarisme afin de ne pas participer à la mise à mort d’animaux.
De mon côté, j’ai commencé à me poser des questions le jour où j’ai pris conscience que mon voisin, éleveur de vaches laitières, donnait du lait en poudre reconstitué aux veaux qui venaient de naître. « Pourquoi tu ne laisses pas les veaux téter ? » Devant ma tête ahurie, il m’a dit en rigolant « Ben, non Sarah ! Il ne faut pas que les veaux prennent le lait, sinon je vis comment ? ». Depuis, j’ai réalisé que la production de lait n’avait rien d’une jolie carte postale…
Pour obtenir du lait, il faut beaucoup de veaux
Pour qu’une vache donne du lait, elle doit d’abord donner naissance à un veau : c’est le principe de lactation commun à tous les mammifères. Et pour que cette lactation fonctionne à plein régime, la vache doit « donner » un petit chaque année.
L’insémination artificielle
Aujourd’hui, en France, la plupart des vaches laitières sont fécondées par insémination artificielle et cette pratique se développe aussi dans les exploitations bio. Pour mieux comprendre comment on pratique une insémination artificielle, je vous invite à regarder une vidéo sur internet ; ça fait réfléchir…
Les veaux ne tètent pas leur mère
La pratique qui consiste à laisser les veaux téter leur mère est extrêmement peu répandue car elle exige beaucoup de temps et d’organisation. La plupart des vaches retiennent leur lait pendant la traite si elles savent que leur veau doit téter. Les veaux sont donc souvent séparés de leur mère dans les vingt-quatre heures qui suivent la naissance. Puis, en général, ils sont nourris avec du lait en poudre reconstitué (à base de lactosérum ou « petit lait », de gluten, d’huile de palme, de protéines de soja, etc.) et des aliments composés.
La séparation du veau et de la mère
C’est toujours un moment difficile pour la vache comme pour son veau. L’instinct maternel est très fort, même avec les races de vaches les plus dociles. Là encore, si l’on veut regarder les choses en face, on peut visionner par exemple le documentaire disponible en ligne Adieu veau, vache, cochon, couvée de Béatrice Limare, produit pour France 3 (2012).
Que deviennent les veaux ?
On ne peut pas garder les mâles… ils ne donnent pas de lait ! Ils sont donc engraissés pour la boucherie, soit pour produire de la viande de veau (ils sont alors engraissés – mais volontairement anémiés pour obtenir une viande blanche adaptée au goût des consommateurs – puis abattus avant l’âge de deux ans), soit pour produire de la viande de bœuf. La plupart des génisses subissent le même sort ; quelques-unes sont sélectionnées pour renouveler le troupeau des vaches laitières.
Que deviennent les vaches laitières adultes ?
Leur destin : une productivité maximale… pendant une courte vie. Après avoir donné deux ou trois veaux, les vaches laitières ne sont plus assez productives. Elles sont donc « réformées », c’est-à-dire envoyées à l’abattoir à l’âge de 5 ou 6 ans, alors que leur durée de vie naturelle est de plus de vingt ans. 40 % de la viande dite « de bœuf » provient en fait de la filière laitière.
Mais que faire ?
Comme souvent, c’est à chacun et à chacune d’entre nous de mettre le curseur à l’endroit qui lui semble juste et raisonnable. La première chose est d’avoir à l’esprit que les produits laitiers et plus particulièrement le fromage ne sont pas inoffensifs : pour maintenir le niveau actuel de notre consommation, il faut tuer beaucoup d’animaux. Est-ce que les produits industriels font plus de dégâts que les produits proposés par les petits producteurs ? Est-ce qu’il est utopique de militer pour des élevages plus respectueux des animaux, qui ne pratiqueraient pas l’insémination forcée, qui ne tueraient pas les veaux à tour de bras ? Le débat est ouvert…
En attendant, pour les animaux et pour l’environnement (voir p. 22-23), il est urgent de manger moins de produits laitiers !
Un article original publié dans Esprit veggie no 8, avec l’aimable autorisation du magazine.
Pour aller plus loin
- Au fil des années, l’association internationale PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) a conçu de nombreuses campagnes de communication contre le lait, axées sur l’éthique ou sur la santé. > www.peta.org, www.petafrance.com
- Voir aussi l’article « Catherine, une éleveuse de chèvres devenue végane », Alternatives végétariennes no 131 – printemps 2018, http://bit.ly/AVF-elevagechevres.
Petit précis de vocabulaire pour ne pas s’emmêler les pinceaux. Les vaches dites « laitières » sont élevées pour leur production de lait. Les vaches dites « allaitantes », qui allaitent leurs veaux, appartiennent aux races de vaches à viande.
Une vache
- Produit 28 litres de lait par jour en moyenne, pendant la période de lactation de 10 mois.
- Boit 80 à 100 litres d’eau par jour en période de lactation.
- Mange 70 kg de fourrage et de céréales par jour.